Face à la pénurie de médecins et au vieillissement de la population, le gouvernement français élargit les compétences des 640 000 infirmières, dont plus de 120 000 sont libérales. Voici un aperçu détaillé de leurs nouvelles responsabilités.
Constatation et certificat de décès par les infirmières diplômées
Environ 150 000 personnes décèdent chaque année à domicile en France. Jusqu’à présent, seul un médecin pouvait constater un décès et signer le certificat correspondant. Cette procédure indispensable pour les démarches funéraires et l’enlèvement du corps entraînait souvent des attentes prolongées, allant de huit à dix-huit heures, causant un traumatisme supplémentaire aux familles.
Pour remédier à cette situation, un décret publié au Journal Officiel autorise désormais les infirmières à constater les décès et à rédiger les certificats de décès. Cette mesure, testée depuis décembre 2023 dans six régions, est maintenant étendue à l’ensemble du territoire. Les infirmières diplômées d’État volontaires pourront exercer cette tâche à domicile ou en Ehpad, sans la condition d’indisponibilité d’un médecin dans un « délai raisonnable ». Ces infirmières devront avoir au moins trois ans d’expérience et suivre une formation spécifique. À ce jour, 1217 infirmières ont déjà été formées en anticipation de cette nouvelle compétence.
Sylvaine Mazière-Tauran, présidente de l’Ordre National des Infirmiers, a salué cette évolution comme une étape importante pour la profession et une aide précieuse pour les familles en période de deuil.
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Élargissement des compétences médicales du métier infirmier
En réponse à la pénurie de médecins, le gouvernement a élargi les compétences des infirmières. Frédéric Valletoux, ministre délégué à la santé, a déclaré que les infirmières doivent pouvoir assurer le suivi des maladies chroniques et prolonger des ordonnances.
Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale voté cet automne autorise les infirmières à faire des prescriptions médicales et vaccinales et élargit la liste des vaccins qu’elles peuvent administrer, incluant notamment le vaccin contre le papillomavirus dans les établissements scolaires.
Elles sont également autorisées à réaliser des consultations de prévention aux âges clés de la vie : 18, 45 et 65 ans.
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Infirmiers de pratique avancée (IPA), son rôle dans la collaboration des soins avec les médecins
Depuis la loi Rist, les Infirmiers de Pratique Avancée (IPA) ont vu leurs compétences s’élargir, permettant un accès direct aux patients sans passer par un médecin. Les IPA, métier mis en place en 2016, peuvent prescrire certains médicaments, réaliser des sutures (sauf au visage et aux mains) et demander des examens. Ces infirmiers, titulaires d’un master (bac + 5) avec deux années d’études supplémentaires par rapport à un infirmier classique (bac + 3), travaillent en étroite collaboration avec les médecins, notamment pour le suivi des patients atteints d’affections de longue durée (ALD).
Le modèle de collaboration entre médecins et IPA a prouvé son efficacité, notamment dans les établissements comme la Fondation Chantepie Mancier, un hôpital gériatrique, où les IPA aident à repérer les fragilités chez les personnes âgées et à adapter les traitements afin de prévenir les hospitalisations et le placement en EHPAD. Ces professionnels expérimentés apportent une réponse concrète aux problématiques du système de santé français, en allégeant la charge des médecins et en améliorant la prise en charge des patients.
Le Dr Christian Batchy, directeur médical de la Fondation Chantepie Mancier, explique que les IPA, grâce à leur proximité avec les équipes soignantes et les familles, offrent une évaluation diagnostique initiale grâce à un suivi des aidants qui permet d’intervenir rapidement. Cela réduit les délais d’attente pour les patients et améliore la qualité des soins. Les IPA reprennent également les dossiers pour évaluer les risques médicamenteux et ajuster les prescriptions, un travail minutieux que les médecins n’ont souvent pas le temps de faire.
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Formation et représentation des infirmières françaises à l’international
Les infirmières françaises sont reconnues pour leur solide formation, qui inclut désormais des filières bilingues, comme celle de l’Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de Vannes. Ces programmes incluent des stages à l’étranger et s’inspirent des modèles sanitaires européens, particulièrement anglo-saxons, pour renforcer la recherche et les publications collectives. Cette initiative vise à optimiser les compétences linguistiques des infirmières et à faciliter leur accès à une littérature médicale souvent rédigée en anglais.
Brigitte Feuillebois, représentante des infirmiers français auprès de l’OMS, souligne que la formation française est respectée à l’international pour sa perspective d’égalité d’accès aux soins. Malgré les défis posés par la crise du Covid-19, la réputation des infirmières françaises reste solide, grâce à leur capacité à raisonner dans un système de santé qui reste un modèle malgré ses failles.
Les nouvelles compétences attribuées aux infirmières et aux IPA illustrent une réforme profonde de la profession pour répondre aux défis actuels du système de santé. En permettant aux infirmières de constater les décès, de vacciner et de prolonger des ordonnances, le gouvernement vise à optimiser les soins, à soulager la pression sur les médecins, offrant ainsi une meilleure prise en charge aux patients. Ces évolutions représentent une étape cruciale pour la revalorisation de la profession infirmière en France et l’amélioration de la qualité des soins.
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